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Ils ont publié le 27 août une méta-analyse, c’est-à-dire une revue de la littérature scientifique, concluant à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre la COVID-19. Ça leur a valu une série de messages d’insultes, de l’intimidation et jusqu’à des menaces.

Dans une courte lettre parue le 13 novembre dans The Lancet Infectious Diseases, cinq chercheurs suisses et français attirent l’attention sur une facette du « dialogue » à l’ère des médias sociaux qu’on n’aurait pas cru possible il y a quelques années:

Plusieurs auteurs de [cette méta-analyse] ont subi une violente campagne de cyberharcèlement sur les médias sociaux, ont reçu des centaines d’insultes, de messages xénophobes, de téléphones anonymes et d’intimidation, incluant des menaces de mort. Ces actions ont été accompagnées par un partage public de données de contact, incluant les adresses postales des auteurs, sur des groupes Facebook comptant des centaines de milliers de membres.

De telles campagnes sont depuis longtemps devenues chose courante dans le secteur culturel ou médiatique: des vedettes de la scène de même que des journalistes sont régulièrement la cible de commentaires hostiles, voire haineux, pour avoir publié ou dit quelque chose sur un sujet controversé.

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Mais en science, c’est plus rare. Le nom qui revient le plus souvent est celui de Paul Offit. Dès 2009, ce professeur de pédiatrie à l’hôpital général pour enfants de Philadelphie, était la cible d’attaques hostiles, allant jusqu’aux menaces de mort, pour ses prises de position contre les pseudosciences en général et les charlatans de l’anti-vaccination en particulier. Plus récemment, des reportages ont révélé les stratégies communes à ces campagnes: elles sont coordonnées sur un forum d’Internet (Facebook, Reddit ou autre), une ou des personnes proposent « l’argumentaire » à employer et identifient, si besoin est, l’employeur de la « cible » ou un de ses proches… En 2018, le pharmacien Olivier Bernard, connu sous le nom du Pharmachien, devenait une telle cible pour un billet de blogue où il avait rejeté l’utilité des injections de vitamine C contre des patients subissant une chimiothérapie (ses prises de position lui ont valu en 2019 un prix international de vulgarisation).

Il était donc à craindre que les passions irrationnelles que soulève l’hydroxychloroquine provoquent à leur tour ce type de dérapage. En fait, les cinq auteurs apportent leur appui à un collègue brésilien, Marcus Lacerda, qui a fait face à une campagne similaire le printemps dernier. Selon ce que rapportait en juin un reportage du Lancet Infectious Disease, la prépublication, quelques semaines plus tôt, de ce qui était alors le premier essai clinique avec groupe de contrôle sur l’efficacité de la chloroquine (et qui aboutissait à des résultats négatifs) avait été immédiatement suivie d’une campagne hostile sur les médias sociaux. Celle-ci avait apparemment été lancée par un activiste américain de droite qui, sur Twitter, avait présenté cette étude comme étant « financée par la gauche »; le fils du président brésilien, Eduardo Bolsonaro, avait fait suivre cette accusation à ses deux millions d’abonnés sur Twitter, et une rage s’était ensuivie.

« Ce comportement a un but », écrivent les cinq chercheurs dans leur lettre du 13 novembre. « Effrayer chercheurs et médecins, et les réduire au silence. Toutefois, le silence serait la pire réponse à ce type de comportement, rendant les sociétés vulnérables au populisme et à l’obscurantisme. »

La façon dont l’information circule et dont elle est perçue et comprise par une partie du public fait aussi partie du problème. Comme le déclarait en juin le chercheur brésilien Marcus Lacerda, « lorsque nous avons annoncé pour la première fois que nous allions tester la chloroquine pour traiter la COVID-19, nous étions vus comme des héros au Brésil, les gens nous ont envoyé des messages d’encouragement et tout le monde était excité ». Mais lorsque les résultats de l’étude sont parus, l’attitude a changé radicalement.

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