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On la redoute parce qu’elle ébranle les fondements démocratiques de nos sociétés et menace la santé physique et psychologique des personnes. En fait, la désinformation a des effets de mieux en mieux documentés. Quels sont-ils?

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Par Philippe Couture

 

 

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DesinfoLa désinformation et l’angoisse : partenaires de choix

De façon générale, les fausses nouvelles parviendraient à se répandre plus largement en exploitant des émotions fortes, comme la peur et le dégoût. C’est du moins ce que suggère une étude du Massachusetts Institute of Technology publiée dans la revue Science en 2018.

Qui plus est, le fait croire aux fausses nouvelles serait un bon prélude à l’anxiété, surtout en temps d’épidémie. En effet, les résultats préliminaires d’une récente enquête sur la pandémie et ses impacts psychologiques et comportementaux, menée par une équipe de l’Université de Sherbrooke, montrent qu’un Québécois sur six serait susceptible de souffrir d’anxiété ou de stress post-traumatique lié à la pandémie, et que croire à diverses fausses nouvelles et théories du complot pourrait « accentuer les facteurs de stress ».

Davantage de confusion

Qui dit vrai ? Voilà la question lancinante que se posent de nombreux citoyens, de plus en plus confus devant les sources d’information contradictoires et l’accroissement du nombre de fausses nouvelles. Cette désorientation est le premier méfait de la désinformation identifié par la London School of Economics and Political Science dans un rapport paru en 2018. Les informations vérifiées et vérifiables se perdent dans un océan de contenus qui, petit à petit, affectent la capacité à distinguer le vrai du faux et génèrent de plus en plus de confusion.

Cette confusion accrue mène au cynisme et à une perte de confiance envers les institutions médiatiques, politiques ou sociales, entraînant par le fait même cynisme, désengagement et apathie (n’ayant pas confiance en ses institutions, le citoyen ne voit plus d’intérêt à jouer son rôle… de citoyen). En plus d’avoir une influence néfaste sur le moral des citoyens, le phénomène représente une menace pour la démocratie, conclut le rapport.

Déclin de la culture démocratique

En Occident, le manque de confiance croissant envers les structures démocratiques serait l’un des effets les plus importants de la désinformation. Le phénomène inquiète notamment le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui énonçait dans un rapport récent sa crainte des «  mensonges et des distorsions qui menacent l’intégrité du discours public, des débats et de la démocratie  ».

Comme le résumaient les chercheurs québécois Florian Sauvageau et Simon Thibault dans l’ouvrage collectif Les fausses nouvelles, nouveaux visages, nouveaux défis (2018), « plusieurs s’inquiètent de l’impact de la désinformation sur la qualité de notre expérience démocratique, que mettrait déjà en péril l’infrastructure technique de la Toile en nous alimentant d’information reflétant nos préférences et en nous enfermant ainsi dans des chambres d’échos  ». 

Menaces à la santé publique

En cultivant la peur des vaccins ou en répandant des informations médicales erronées, les « fakes news » constituent « la plus grande menace à la santé publique », selon une étude quantitative de l’Université médicale de Gdansk (Pologne) parue en 2018.

Plus récemment, des chercheurs de l’Université d’East Anglia, au Royaume-Uni, ont montré que les fausses informations sur la COVID-19 tendaient à circuler plus rapidement que les vraies et à « aggraver l’épidémie ». Une situation qui inquiète au plus haut point le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. « Une épidémie de désinformation se répand », dénonçait-il en avril dernier. Lors de la première rencontre sur l’infodémiologie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s’est tenue en juillet, l’organisme a réitéré l’importance de mettre en place des pratiques visant à prévenir la diffusion d’informations fausses ou trompeuses, à les détecter et à y répondre.

Exacerbation des tensions socioculturelles

La chercheuse Claire Wardle est l’une des sommités mondiales sur la désinformation — qu’elle préfère d’ailleurs nommer «  désordre de l’information  ». En 2017, dans un rapport commandé par le Conseil de l’Europe et rédigé en collaboration avec le célèbre blogueur irano-canadien Hossein Derakhshan, elle rappelait que les fausses nouvelles, très souvent, « exacerbent les divisions socio-culturelles en jouant sur les tensions nationalistes, ethniques, raciales et religieuses ».

Pire, selon la politologue américaine Kelly M. Greenhill, citée par Wardle, « ces types de messages permettent aux idées discriminatoires et provocatrices d’entrer dans le discours public et d’être traitées comme des faits. Une fois installées, ces idées peuvent alors être utilisées pour désigner des boucs émissaires, normaliser les préjugés et affermir la mentalité consistant à opposer nous et eux. » Un exemple récent : les actes violents commis à l’égard de personnes issues de communautés asiatiques, jugées par association comme « responsables » de la pandémie de COVID-19.

Accroissement de la violence

En exacerbant les tensions sociales, la désinformation peut mener jusqu’à des actions violentes – qu’elles soient commises dans la sphère intime lors d’un désaccord entre proches ou qu’elles soient de nature collective.

Un exemple, cité en 2017 par la chercheuse américaine Samantha Stanley, est l’émeute causée par une foule de 500 personnes au Myanmar à la suite de la « publication sur Facebook d’une rumeur non fondée selon laquelle le propriétaire musulman d’une boutique de thé aurait violé une employée bouddhiste ». Deux personnes ont été tuées lors de ce malencontreux événement.

Dans un univers numérique dominé par des algorithmes organisant les informations en chambres d’échos qui réduisent la diversité des sources auxquelles chacun est exposé, ces phénomènes ne risquent pas de s’amenuiser. Aussi, la vigilance est plus que jamais de mise.

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